Une des questions que l’on m’a déjà souvent posée, c’est pourquoi n’a-t-on toujours pas trouvé comment guérir les maladies neurologiques avec tout l’argent investi dans la recherche ?! Plus généralement, pourquoi connaît-on encore mal le fonctionnement du cerveau ? Certaines personnes semblent parfois un peu offusquées à l’idée de tout cet argent investi sans résultats concrets au niveau du grand public. Il y a cependant plusieurs facteurs qui influencent l’avancée de la recherche, et pas uniquement en neuroscience.
Des technologies spécifiques et coûteuses
La recherche a un coût élevé pour plusieurs raisons. D’abord, le chercheur n’est pas isolé dans son laboratoire, avec lui y travaillent des ingénieurs, des techniciens, des personnes se chargeant de la bureaucratie qui est assez conséquente (demande d’autorisation spéciale pour utiliser des produits particuliers, expériences sur des animaux, commande de tout le matériel, réglementation sécuritaire et sanitaire…). Ensuite, en biologie le matériel utilisé est très spécifique (microscope, centrifugeuse, spectromètre de masse, scanners, vibratome…). Par exemple, vous avez besoin d’une protéine particulière (et pas d’une autre !), or il faut la faire fabriquer. La protéine est donc très spécifique et la demande sur le marché est faible (quand vous allez au supermarché, jamais il ne vous viendrait à l’idée d’acheter des Anticorps IgG Anti-saporine pour faire une immunohistochimie !). Alors le tout petit flacon de protéine devient facilement cher, plus cher qu’une crème antiride haut de gamme de chez Dior (et si ça existe !). Ainsi les moyens matériels et humains mobilisés sont nombreux pour la réalisation correcte d’une étude.
La course à la publication
Bien que les chercheurs dans les laboratoires soient des personnes passionnées qui ont tous fait un doctorat (bac +8) avant de pouvoir atteindre leur poste, le système veut qu’ils aient obligation de publier dans les journaux scientifiques prestigieux. C’est alors la course à la publication qui met en jeu un aspect financier important. Il ne s’agit donc pas de la science pure, dépourvue de tout but (personne n’est parfait !). Par conséquent, il existe une compétition entre les chercheurs et entre les laboratoires. Les chercheurs essayent d’être les premiers à publier afin d’avoir de la reconnaissance, pouvoir démarrer correctement leur carrière, espérer un meilleur salaire et obtenir des subventions pour continuer leurs recherches. Ainsi il y a parfois un manque de collaboration et de partage de connaissances entre les différents instituts, qui entraine un ralentissement des recherches… Pour plus de détails sur le fonctionnement du système de publications scientifiques, vous pouvez aller voir là.
Des valeurs éthiques
Imaginez-vous qu’un médecin vous demande s’il a le droit d’ouvrir le cerveau de votre grand-père atteint d’Alzheimer pour aller voir ce qu’il se passe à l’intérieur ? La réponse est bien évidemment non. Mais alors, comment guérir une maladie neurologique sans avoir accès au cerveau ? Cela devient tout de suite beaucoup plus compliqué ! Certes, il existe aujourd’hui des techniques d’imagerie de plus en plus sophistiquées telles que l’Imagerie Magnétique par Résonnance (IRM) ou la Tomographie par Emission de Positons (TEP), mais cela ne permet tout de même pas, par exemple, de voir exactement quels neurones sont activés et quelles synapses sont utilisées. On observe uniquement de larges zones cérébrales mises en jeu.
Évidemment, l’Homme a trouvé un autre moyen en utilisant d’autres animaux pour ces expérimentations. Tout le monde a déjà vu, au moins par hasard, un article ou un reportage sur une manifestation contre l’expérimentation animale. Alors quoi, on arrête toutes les recherches ? Tout d’abord, l’expérimentation animale permet d’avoir directement accès à l’organe, aux cellules, aux molécules étudiées pour pouvoir réaliser une VRAIE étude de la maladie. Un examen d’imagerie cérébral reste largement insuffisant à comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans une maladie neurologique. Cependant, la question éthique se pose et elle est légitime. A-t-on droit de produire/tuer des animaux uniquement à des fins expérimentales ? La vie de laboratoire pour un rat, ça doit pas être très amusant (quoi que, je n’ai jamais été dans la tête d’un rat !), mais la vache qui a atterri dans ton assiette, tu crois qu’elle était heureuse à l’abattoir ? Concernant la recherche animale, chaque année en France les règles éthiques deviennent de plus en plus strictes. Mais qui sommes-nous pour avoir le droit de décider de ce qui est bon ou pas ? Le débat reste ouvert…
Médicament = molécule étrangère aux nombreux effets secondaires
Lorsqu’un laboratoire (privé ou public) développe une molécule avec un fort potentiel curatif d’une maladie (neurologique ou non), il y a encore de nombreuses étapes à franchir avant de pouvoir être mise sur le marché et l’utiliser à une grande échelle. Ce sont les différentes phases cliniques d’un essai clinique qui servent à vérifier la sécurité du médicament chez l’humain. La molécule est d’abord testée sur les animaux, ensuite sur quelques volontaires sains hyper-sélectionnés, enfin sur un échantillon de malades. S’il n’y a aucun effets secondaires graves voir même qui contrebalancent les bienfaits de la molécule, alors il est mis en vente à grande échelle, avec toujours, la possibilité de retrait du marché. Enfin, il ne faut pas oublier que les conditions expérimentales en laboratoires sont différentes de l’application sur des patients. Il y a parfois un fossé entre le monde de la recherche et la clinique. Il arrive alors que la molécule, même sans effets secondaires importants, n’a pas de potentiel curatif comme démontré en laboratoire. L’argent investi dans son développement n’est cependant pas gâché, comprendre pourquoi cela n’a pas fonctionné est un résultat de recherche en soi, participant aux connaissances générales et la molécule pourra être testée pour d’autres maladies.
Si la recherche en sciences prend autant de temps et d’argent, c’est qu’elle mobilise beaucoup de biens et services spécifiques aux domaines d’études, avec une législation et une bureaucratie contraignantes. En neurobiologie, bien que de nouvelles découvertes soient faites tous les jours, une avancée dans les technologies d’imagerie mais aussi dans l’exploration directe du cerveau humain, pourrait débloquer l’état de la recherche actuelle.
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